Le 14 juillet, honorons celles et ceux qui auront vaincu le Covid

Il peut se passer beaucoup de choses d’ici le 11 mai, et encore plus d’ici l’été. Je ne suis pas épidémiologiste ni médecin, je n’ai pas consulté des centaines de de spécialistes et je n’ai donc aucun avis sur l’opportunité du 11 mai ou sur l’organisation du déconfinement. Le mois qui vient de s’écouler m’incite plutôt à la prudence sur les grandes annonces et les certitudes en tous genres.

Nous évoquons le monde « d’après », en étant tous et toutes persuadées que la situation actuelle vient conforter les convictions personnelles défendues depuis des années. Personne ne sait encore à quoi ressemblera la France, l’Europe, le monde de 2020 et pour être honnête, je ne m’attendais pas à entendre Emmanuel Macron dire hier :

« Il nous faudra nous rappeler aussi que notre pays, aujourd’hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. “Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.” Ces mots, les Français les ont écrits il y a plus de deux cents ans. Nous devons aujourd’hui reprendre le flambeau et donner toute sa force à ce principe. »

Je ne sais pas quel est son degré de sincérité, mais ce n’est pas la question : c’est officiellement devenu un des chantiers prioritaires. Et puisque ce sera grâce à ces « premières et deuxièmes lignes » pour reprendre l’expression utilisée hier soir, que nous aurons gagné cette « guerre » (qui n’en est pas une), pourquoi est-ce que ce ne seraient pas elles et eux qui défileraient le 14 juillet ? Si les conditions le permettent, pour la fête symbole de l’union de la nation, que ce soient les soignants et soignantes, les profs, les caissiers et caissières, les éboueurs, les agricultrices, les éducs et professions sociales, de protection de l’enfance, les journalistes, les volontaires qui auront servi dans la réserve civique … qui descendent les Champs-Élysées sous les applaudissements de la nation.

Ce ne sera pas le viril défilé de la victoire mais la célébration d’une réussite collective. Nous avons plus que jamais besoin de communion et celle-ci sera encore plus large et justifiée que ce que nous avons connu pour des coupes de monde de foot par exemple. Nous pouvons imaginer une fête collective qui ne soit pas une imitation du défilé militaire avec un ordre protocolaire passant devant le président.

Et ça n’empêchera pas, bien au contraire, de mener enfin toutes les réflexions sur les revalorisations salariales, sur la protection sociale, sur les inégalités … Cela peut au contraire permettre de les mettre sur le devant de la scène et d’empêcher que ces actes politiques indispensables soient enterrés.

L’enfer, c’est toujours les autres

Les méchants ce sont toujours les autres.

En ce moment, les méchants, ce sont « léparisien ». Les Parisiens (ils sont plus de 10 millions hein, soit 1 français sur 6) sont tous et toutes des « bobos », ils ont tous et toutes été boire des coups le long du canal Saint Martin ou dans les bars jusque tard samedi, et ils sont tous et toutes partis en urgence polluer la saine campagne jusque là préservée par le virus, comme des gros égoïstes qu’ils sont.

Alors oui, c’est con et égoïste d’avoir traîne dehors, d’avoir fait la fête jusque tard. Oui, c’est con, égoïste et criminel de fuir Paris. Évidemment.

Mais quand même, c’est impressionnant ce besoin que nous avons tous et toutes de désigner des boucs émissaires, de désigner un gros méchant, ce besoin que nous avons de nous détester entre nous et de profiter de l’occasion pour se dédouaner : « moi, je n’aurais jamais fait comme ces gros méchants ». C’est pratique, ça permet de rappeler à quel point, nous, nous sommes vertueux.

Mais quand même, c’est impressionnant cette façon de faire des raccourcis et des généralisations. Parce qu’on connaît des Parisiens (qui sont en fait des Franciliens mais passons) qui font péter le prix du marché immobilier en Bretagne et qui sont désagréables, forcément, on a le droit d’insulter tous les Parisiens. C’est comme quand ton beau-frère t’explique qu’il a le droit d’être raciste parce qu’il a vu un arabe chourer dans un magasin et que donc, tous les arabes sont des voleurs.

Les Parisiens fuient Paris ?

Visiblement (visiblement, selon la vue donc, ce n’est pas scientifique, on n’a pas de chiffres), il y a un exode massif. De ces gros méchants de Parisiens. En fait, ce sont tous ceux et toutes celles qui habitent en milieu urbain. De Lille, de Lyon, de Marseille ou de Bordeaux, les gens se cassent. Souvent parce qu’en fait, ils retournent chez eux car la majorité des urbains sont en fait des provinciaux qui sont là pour le boulot, particulièrement à Paris. Oui, c’est irrationnel et égoïste. Mais c’est aussi compréhensible. Il ne s’agit pas simplement de fuir le virus de façon idiote, il s’agit aussi de trouver une façon humaine de passer les plusieurs semaines qui viennent. Certains ont la possibilité de se mettre au vert, d’être dans un endroit qu’ils connaissent, où les gosses pourront sortir … Pour passer ces vacances forcées, ils vont là où ils passent d’habitude leurs vacances. Oui, c’est terriblement injuste mais c’est évidemment compréhensible. Ne me dites pas que vous êtes en train de découvrir l’injustice sociale. Bien sûr, ce faisant, ils participent à diffuser un virus dont ils pensent être exempts et c’est scandaleux.

Soyez honnêtes, combien parmi vous, ayant cette alternative entre rester enfermé en ville avec des gosses pour un nombre de semaines indéterminé et avoir un point de chute agréable pour vivre cette situation totalement exceptionnelle, aurait fait le choix de s’installer dans ce point de chute. Pas toi qui me lit, bien sûr, puisque toi tu es mieux que les autres comme tout le monde, mais sérieusement ?

Oui, je connais des gens qui ont cette alternative et qui ont fait le choix de rester en région parisienne. Je les admire. En général, il se trouve que je les admirais déjà avant.

Il y a un mois, celle qui était alors ministre de la santé nous expliquait que le risque sanitaire était très faible, que c’était improbable que le virus arrive en France. Il y a 10 jours, Macron sortait pour inciter les Français à faire de même malgré la peur du virus, Blanquer rappelait que 60 à 80% de la population serait de toute façon touchée par le virus (dans ce cas, pourquoi se faire chier à rester sur place ?), Ndiaye expliquait que les Italiens étaient des branquignols qui n’avaient pas su faire barrage au virus.

Mais le gros méchant, ce sont les familles qui se barrent pour se mettre au vert.

Les gens sont égoïstes ? Ça alors ! Saperlipopette !!

Vous découvrez vraiment aujourd’hui que les foules ont des comportements irrationnels et égoïstes, en particulier en temps de crise ? Sérieusement ?? Mais enfin, si ce n’était pas le cas, la question climatique serait résolue depuis longtemps ! Ce n’est pas irrationnel, égoïste et criminel peut-être de prendre l’avion ? Vous êtes combien, parmi celles et ceux qui se moquent des méchants parisiens qui se mettent au vert, à l’avoir fait ne serait-ce que dans l’année écoulée ?

Aujourd’hui, quand le pays est en quarantaine, le gouvernement réalise qu’en fait la solidarité et la collectivisation, c’est quand même vachement efficace. Après avoir flatté les égoïsmes de chacun et chacune pendant des années, face à l’urgence, il faut faire intervenir l’Etat parce que c’est efficace. Si les foules n’étaient pas égoïstes et irrationnelles, vous croyez vraiment qu’on aurait élu Sarkozy ? Vous croyez vraiment qu’on aurait laissé détruire la protection chômage par ce gouvernement en ne se mobilisant que pour les retraites ?

Allez, on peut au moins espérer que désormais, plus personne n’osera affirmer que les migrants syriens feraient mieux de rester chez eux pour se battre.

L’offre politique écologiste est trop inférieure à la demande !

Ne serait-il pas temps ?

Serions-nous enfin arrivés à ce moment de bascule ? Ce moment où l’écologie politique est devenue une option crédible en soi et non plus comme une variable d’ajustement ? Pour la première fois, les écologistes sont en mesure de gagner des très grandes villes, seuls ou en menant les listes. Les Verts, qui sont depuis des années le parti préféré des Français, vont également être celui pour lequel ces Français et Françaises vont peut-être se mettre à voter si l’épidémie n’a pas raison du deuxième tour des municipales d’ici là. Il était temps.

Peut-être donc que nous allons également arriver au moment où il deviendra possible d’avoir plusieurs partis écologistes, de la même façon qu’il y a plusieurs partis productivistes. Jusqu’à présent, l’écologie politique était encore une force trop faible pour se le permettre. Elle l’est encore trop pour que ces différents partis se mettent en concurrence forte, mais ils peuvent former une vraie confédération, une union des partis écologistes qui aurait plus de sens qu’une sorte de front illisible et forcément très temporaire avec LFI, le PS et les satellites Générations, Place publique, nouvelle donne etc…

Alors certes, il existe déjà EELV et quelques autres, mais ces quelques autres sont soit des cache-sexes pour des productivistes qui ont besoin de financement électoral ou d’un logo opportun pour des élections, soit des gens qui ont quitté EELV parce qu’ils n’avaient pas réussi à être calife à la place du calife. (A ce sujet, vous avez remarqué d’ailleurs à quel point EELV se porte mieux depuis que les furieux sont partis en 2015 en essayant de couler le navire, pour aller créer à la place la burlesque UDE, plus divisée que n’importe quelle sous-cellule trotskiste, lesquelles avaient au moins des militants). Bref, la diversité des partis écologistes en France n’existe quasiment pas sur le fond.

Vers trois grands pôles politiques

Je partage volontiers cette analyse de l’évolution des positionnement politiques vers trois grands pôles : un pôle libéral technocratique, un pôle identitaire nationaliste et un pôle écologiste.

Le pôle nationaliste, c’est celui qui est inspiré par la peur et l’incompréhension, qui se tourne vers le repli et le passé fantasmé, un pôle pour qui la question du changement climatique est beaucoup trop compliquée. En la réduisant à la question climatique, elle est ramenée à une menace du monde moderne à laquelle il faudrait répondre en refaisant comme faisaient nos grands-pères parce que c’est toujours mieux avant, c’est le « bon sens ».

Le pôle libéral est celui qui analyse le monde par le biais financier, une analyse purement froide et comptable (par exemple, en expliquant que le congés de deuil pour la parte d’un enfant, c’est faire peser aux entreprises une charge trop lourde), qui considère que le progrès humain passe exclusivement par notre capacité à consommer, que par conséquent, la richesse d’un pays se mesure à la taille de son PIB, qui veut bien accueillir des réfugiés tant que ça ne lui coûte pas trop cher, voire quand cela peut faire réduire le coût de la main d’œuvre, qui considère que les cultures locales sont plutôt des entraves au bon fonctionnement du marché … En matière de changement climatique, c’est le pôle qui veut accumuler, parce qu’il n’a pas le choix, les mesures sans jamais perdre de vue le profit éventuel (la fameuse croissance verte) mais une accumulation de mesure ne fait pas une politique globale.  C’est aujourd’hui un pôle qui regroupe des ruines du PS aux Républicains, en passant, bien sûr, par LREM.

Un pôle écologiste, c’est celui qui met en avant l’harmonie avec nos environnements naturels et humains, qui établit le progrès sur la qualité de vie et non pas sur le profit financier et la consommation, qui fait confiance aux initiatives locales et aux individus et non pas aux grandes planifications coercitives, qui ne veut pas faire lutter des groupes sociaux les uns contre les autres mais faire gagner tout le monde, qui, parce qu’il célèbre la biodiversité, la richesse individuelle, défend la dignité de chaque personne, de chaque minorité…

On confond trop souvent protection de l’environnement et écologie. Tout le monde peut prendre des mesures visant à lutter contre le changement climatique ou l’effondrement de la biodiversité, mais les écologistes ne protègent pas l’environnement parce qu’il le faut, mais parce qu’ils l’aiment ! Le docteur Schweitzer qui théorise le respect de la vie dans son dispensaire de Lambaréné est profondément écologiste et il ne connaît pourtant pas les changements climatiques. Il n’y a pas besoin des changements climatiques existent pour être écologiste.  Quand nous aurons trouvé une énergie abordable, propre et inépuisable, nous aurons toujours besoin d’écologie.

Évidemment, tout cela est schématique et réducteur. Malgré tout, on constate quand même que les partis qui n’arrivent pas à se positionner clairement dans un de ces axes sont ceux qui ont le plus de difficultés à se stabiliser, ceux qui rencontrent le plus de difficultés. Pour n’avoir pas su devenir un parti écologiste, le PS est mort car LREM et LR sont plus légitimes et plus forts pour accompagner la soumission à l’économie de marché. Idem pour celles et ceux qui se sentent obligés de rajouter « et social » à chaque fois qu’ils disent qu’ils font de l’écologie. Comme si une politique écologiste n’était pas, par essence, protectrice des plus faibles, des individus, avant de protéger les profits. Cet ajout systématique « écologique et social » montre surtout qu’on n’ose pas encore abandonner le vieux productivisme auquel on essaye de faire coller des mesures en faveur de la protection de l’environnement (laquelle peut en effet, être parfaitement dans l’injustice sociale)

Pour une biodiversité de l’offre politique écologiste

Il est évidemment tout à fait possible d’avoir plusieurs partis, plusieurs nuances au sein d’un même pôle. La faiblesse de l’écologie n’a pas permis jusqu’à présent d’avoir plusieurs partis sérieux et idéologiquement complémentaires et ça, c’est une vraie faiblesse.

Les 40 ans d’histoire de l’écologie politique ont forgé un corpus idéologique, des habitudes, des combats historiques. L’une des plus grandes difficultés humaines est d’arriver à penser contre soi-même et à reconnaitre qu’on a pu se tromper. Personne n’est épargné. Les écologistes ont eu globalement raison avant tout le monde, et il n’est pas évident de reconnaître que le mépris qu’on a pu afficher pendant des années à leur endroit était une erreur. Ainsi, leurs erreurs actuelles, des divergences plus ou moins secondaires, des courants franchement problématiques, peuvent servir d’excuses pour ne pas voter pour eux.

L’exemple le plus symptomatique étant celui des anti-vaccins et autres courants ésotéro-chelou vendeurs de pierres magiques, voire les complotistes dont on retrouve encore pas mal de représentants chez EELV. Nous connaissons tous et toutes des gens qui nous ont dit un jour « je ne peux pas voter EELV tant qu’il y a Michèle Rivasi chez eux ». J’ai personnellement beaucoup de mal à leur donner tort d’ailleurs. Ainsi des personnes plus récemment venues à l’écologie, ne voulant pas d’un monde régi par le PIB, ne savent pas pour qui voter, refusent de voter EELV avec des arguments tout à fait recevables, et se retrouvent donc, par dépit, à voter entre LREM et LFI en fonction d’autres affinités.


En d’autres termes, l’offre politique écologiste est largement inférieure à la demande. Cela signifie aussi que les écolos ne peuvent actuellement faire d’alliances qu’avec des partis productivistes, brouillant le message, passant pour des opportunistes. C’est ma conviction depuis des années : avoir fait irrégulièrement des alliances selon le sens du vent avec le PS, vouloir être une force d’appoint qui changerait les choses de l’intérieur, a fait perdre au moins 10 ans au développement de l’écologie politique.

Les écologistes vont vraisemblablement faire un résultat historique dans quelques jours pour les municipales mais on sera encore loin du compte. Or nous avons besoin de gagner bien plus largement, et seuls. D’ici 2022, nous allons voter pour les départementales, les régionales, la présidentielle puis les législatives. Combien de régions vertes dans un an ? La seule question qui devrait nous animer, c’est de savoir comment faire venir sur un vote écologiste, les électeurs qui nous apprécient, qui se sentent proches de l’écologie, mais qui jamais ne voteront pour EELV. Et ils ne sont pas peu. Pour cela il faut créer une vraie coalition de partis écologistes, non pas concurrentiels mais en coopération, qui se retrouvent sur ce qui fonde un parti écolo mais avec des options politiques différentes.

L’inévitable question du nucléaire et de la transition énergétique

Cette option, elle se trouve à mon avis principalement dans la nature et l’organisation de la transition énergétique et dans le rapport à ce combat identitaire historique des écologistes : la question du nucléaire.

La lutte contre les changements climatiques n’est pas la justification de l’écologie. Par contre, l’écologie est la seule à même d’y répondre et aujourd’hui, l’urgence climatique est maximale.

Le nucléaire est dangereux, centralisateur, produit des déchets qu’on va léguer pour des millénaires à nos descendantes et descendants, etc… J’aurais beaucoup aimé qu’on soit capable de se passer du nucléaire sauf qu’il est trop tard. Il est trop tard à cause du néant des politiques climatiques depuis des décennies, ces politiques menées par ceux-là mêmes qui déclaraient « la maison brûle et nous regardons ailleurs » tout en ne faisant rien. On aurait peut-être pu s’en passer en s’y mettant sérieusement il y a 40 ans, mais on ne peut plus le faire aujourd’hui. Être « zéro-net émissions » en 2050 est un objectif indispensable selon le GIEC. Comment le faire en France en fermant le nucléaire à court terme alors que cet objectif suppose d’augmenter massivement la part de l’électricité dans la consommation d’énergie (en particulier pour le transport) ?

Le nucléaire n’est bien sûr pas la solution miracle mais il nous reste trop peu de temps. Les trois axes fondamentaux restent la diminution de la consommation d’énergie, l’efficacité énergétique, et le développement des renouvelables. Il n’empêche que ces trois points avancent beaucoup trop lentement alors qu’il faudrait immédiatement fermer toutes les centrales fonctionnant avec une énergie carbone. La sortie du nucléaire doit rester un objectif mais face à l’urgence climatique, ce serait un contre-sens absolu.

Le mouvement anti-nucléaire étant inexistant en Chine, c’est là-bas que se développe le nucléaire nouvelle génération. Franchement, après un monde tributaire des pétromonarchies du Golfe, vous avez vraiment envie de dérouler le tapis rouge à la dictature chinoise pour qu’elle contrôle l’énergie mondiale ? Cette dictature qui a réussi à effacer Tien An Men de l’histoire, qui élimine des peuples entiers, qui est déjà en train de ré-écrire l’histoire pour nous expliquer sans vergogne que le coronavirus ne vient pas de Chine.

Le mouvement anti-nucléaire occidental s’est développé conjointement à celui de l’écologie. Les deux sont historiquement liés parce que le nucléaire est d’abord né dans la guerre, que nucléaire civil et militaire ont longtemps été parfaitement imbriqués (et le sont encore souvent), parce que pendant des décennies, nous avons vécu avec la menace imminente et très concrète que les deux méga puissances jouent à la destruction de l’humanité avec leurs grosses bombinettes, parce que la question des déchets est un vrai cauchemar parfaitement en contradiction avec les principes mêmes de l’écologie (et c’est bien pour ça que je pense que la sortie du nucléaire doit pouvoir rester un souhait à terme). Mais nous ne sommes 40 ou 50 ans plus tard, les jeunes générations qui marchent pour le climat n’ont pas connu l’angoisse de la guerre nucléaire, nous avons perdu des décennies pour le climat.

Savoir penser contre soi-même, reconnaître qu’on a pu se tromper disais-je. C’est bien tout le problème. Comment accepter qu’un combat qui a été structurant, formateur, pendant des décennies, est à mettre de côté ? Qu’il a pu être juste à une époque mais qu’on se fourvoie en le maintenant ?

Bien entendu, tout cela ne répond d’ailleurs pas à la question des transports, ni à l’effondrement de la biodiversité. Tout cela ne nous permet pas de savoir comment stocker du carbone (une autre priorité qui semble totalement en dehors des radars) ou limiter les déchets en tous genres. Tout cela ne nous explique pas comment améliorer sérieusement la recherche et le développement des énergies renouvelables sans passer par les gadgets catastrophiques qu’adore le pôle « techno libéral » comme la fameuse « route solaire ». Le nucléaire n’est pas non plus la réponse à la protection de la dignité des individus et donc des minorités qui par principe sont les plus menacées, ou la protection de la vie de façon générale. Tout cela ne nous explique pas comment on fait évoluer notre rapport au travail et à la formation tout au long de la vie, ou notre rapport au pouvoir sur les autres, sur le vivant, sur les faibles… Pour tout cela, il y a des politiques écologistes à mener sur lesquelles des gens issus d’un parti pro nucléaire et des gens issus d’un parti écolo classique comme EELV peuvent et doivent tout à fait coopérer.

Le plus grand obstacle à surmonter aujourd’hui, c’est la haine réciproque dingue qui peut exister entre les deux mondes. Lire que EELV n’en a rien à faire du climat parce que c’est un parti anti-nucléaire est d’une bêtise sans nom. Expliquer que les pro-nucléaires sont payés par des lobbys ne vaut pas mieux. J’ai surtout l’impression d’un combat égotique de vieux mâles qui ne voudront jamais reconnaître qu’ils ont eu tort à une époque ou une autre, pour qui il est plus important de vaincre l’autre que d’obtenir le bien commun. Mais c’est mon côté inexorablement optimiste : je ne désespère pas de voir tous ces gens autour d’une même table un jour. Voire même dans des mêmes listes pour les régionales 2021 (pour lesquelles d’ailleurs, la question du nucléaire ne sera que très secondaire).

Bon, on le créé ce nouveau parti écolo ?

Salauds d’écolos punitifs

Arrêtez tout ! Je suis quasiment 100% d’accord avec les propos d’Agnès Buzyn ! (bon, ok, pas totalement)

Candidate en faveur de l’«environnement», plutôt que de l’«écologie». Pourtant lancée à la conquête du vote «vert» à Paris, Agnès Buzyn a tenu à marquer cette distinction, vendredi sur France Info. «Je n’aime pas le mot “écologie”, parce que derrière il y a toute une idéologie qui est parfois punitive»

Oui, l’écologie (du moins l’écologie politique) est une idéologie. Non, il ne suffit pas d’empiler des mesures pour faire une politique globale en faveur du climat. Oui, protéger l’environnement et faire la promotion de l’écologie, ce sont deux choses différentes.

L’écologie est une idéologie, et idéologie n’est pas un gros mot. LREM ne serait pas un parti lui aussi ? donc plein d’idéologie ? L’idéologie, c’est ce qui fait la cohérence globale. L’idéologie de l’écologie politique, c’est de mettre en avant la qualité de vie de chacun et chacune, notre harmonie avec notre environnement naturel et humain, et non pas la réduction des besoins humains à la poursuite du profit financier et de la consommation effrénée. Et ça, forcément pour Agnès Buzyn, c’est très punitif. Ne plus pouvoir faire du fric à partir de tout, c’est une punition, on la comprend.

Si on élargit un peu, on se doute qu’Agnès Buzyn voulait aussi parler de ces affreux père fouettards écolo qui veulent interdire les chauffages sur les terrasses des cafés en plein hiver, cette âme éternelle de Paris depuis 10 ans. Car oui, voyez-vous, en fait, ceux qui punissent ce sont les écolos. Vous pensiez bêtement que la punition, ce sont les changements climatiques. Naïfs que vous êtes ! L’absence de neige dans les stations de ski ? Encore une punition infligée par ces ordures d’écolo. Comme si les pauvres stations de ski avaient besoin d’être punies. Vraiment, ces gens-là font rien qu’à nous emmerder alors qu’on pourrait être tranquillement à valser sur le pont du Titanic pendant qu’il est encore temps.

Et du temps, il ne nous en reste que très peu. La transition écologique, ça va être du sang, de la sueur et des larmes parce que nous ne sommes pas prêts. Oui, bien sûr, il y aura de nouveaux emplois, de nouveaux modes de vie, mais ce sera aussi une désorganisation complète de nos habitudes et de nos sociétés. Mais la ministre de la santé qui a préféré démissionner en pleine crise du coronavirus pour une campagne électorale préfère accuser les écolo d’être punitifs …

C’est pas gagné hein…

La photo de couv’ est tirée du blog de lutte contre le GCO (grand contournement ouest de Strasbourg)

Allah est bien assez grand pour se défendre, Mila, pas encore

Voilà une dizaine de jours qu’une ado est instrumentalisée, récupérée, par tout le monde. Son état de santé, son avenir, ne semblent pas être le sujet de préoccupation de beaucoup. France 3 nous apprend qu’elle est prise en charge par une association de protection de l’enfance et c’est l’essentiel. Elle n’est pas abandonnée comme certains se plaisent à le répéter en boucle.

Reprenons donc :

Une ado de 16 ans se fait emmerder par un mec lourdingue sur les réseaux sociaux, elle l’éconduit. Celui-ci est tellement fragile qu’il l’insulte et ramène ses potes pour l’insulter avec lui (insultes à caractère homophobe au passage). Elle s’énerve (on la comprend) et insulte à son tour. Ces dernières insultes évoquant notamment la religion de ses harceleurs, la spirale de la violence et de l’insulte s’accélère de façon exponentielle et Mila prend donc un vague de harcèlement ultra violente avec menaces de viol et de mort.

Une personne, qui plus est une personne mineure, qui subit de telles menaces est une personne qui doit être protégée. Rien ne justifie de recevoir de telles menaces. Il n’y a même pas matière à discuter.

Des plaintes ont été déposées et deux enquêtes ont été ouvertes. Oui, la justice a fait son boulot et a aussi vérifié s’il n’y avait pas aussi dans les propos de l’ado des propos condamnables (non pas pour « blasphème » qui évidemment n’existe pas mais pour incitation à la haine raciale). En effet, à 16 ans, elle est déjà pénalement responsable si ses propos tombent sous le coup de la loi ; elle n’en reste pas moins une mineure qui doit être protégée. L’enquête a été faite, il n’y a rien à dire et je ne doute pas un instant que l’autre enquête, celle sur les violences qu’elle a subies, aboutira et que la justice fera son travail.

Ces vagues de cyberharcèlement ne sont pas rares, hélas. On le sait (mais on ne le dit sans doute pas assez), le cyberharcélement a des conséquences immédiates sur la santé des victimes, sur leur sociabilisation. La seule chose qui devrait compter pour tout le monde aujourd’hui, c’est de faire en sorte que les harceleurs soient poursuivis (c’est le cas) et que la victime soit correctement accompagnée et aidée.

Sauf que …

Sauf que l’extrême-droite s’est emparée du sujet, reprochant à la gauche supposément « islamo-gauchiste » de ne pas soutenir Mila. Dans « soutenir », vous comprendrez « faire des tweets indignés et des communiqués de presse ». On a par exemple reproché à l’observatoire de la laïcité de ne pas avoir fait de communiqué alors qu’il avait répondu à la presse dès le début de l’affaire. Accessoirement, son boulot, c’est de rappeler le droit et en l’occurrence, à part redire que le blasphème n’existe pas dans la loi, il n’y avait rien d’autre en lien avec la laïcité. Pas grave, il suffit de répéter que « la gauche » n’avait rien fait. L’important n’est pas la vérité, l’important c’est d’imposer son récit. Et l’extrême-droite a réussi, faisant de cette affaire une question de blasphème plus ou moins toléré selon qu’il soit dirigé contre le christianisme, le judaïsme ou l’islam.

La question ne devrait pas être celle du blasphème, qui évidemment, n’a aucun sens dans notre République, la vraie question c’est celle de la violence notamment verbale, démultipliée par les réseaux sociaux. Le vrai sujet, c’est la réponse éducative à apporter aux violences entre ado. La seule différence avec deux automobilistes qui en viennent aux mains parce que l’un des deux a trouvé que l’autre ne démarrait pas assez vite, c’est que les réseaux sociaux ont offert une caisse de résonance démultipliée. Ce n’est pas interdit d’être con, encore heureux, on est tous le con d’un autre.

Votre vie lycéenne est-elle si loin que vous ayez oublié la violence avec laquelle les ado peuvent s’insulter ? Une ado subit une agression sexuelle via les réseaux sociaux, elle y répond avec violence, violence qui en entraîne une autre encore plus forte. Quel niveau de violence (ou de connerie) considérons nous comme acceptable ? Aucun bien sûr. Bien sûr que les propos tenus par Mila ne sont, en soit, pas acceptables, non pas parce qu’ils seraient blasphématoires mais parce qu’ils appellent encore plus de violence. Inaceptables sur le plan social, ça ne veut pas dire qu’il faut les interdire. Quant aux propos qu’elle a subis, ceux-là pour le coup, ils tombent sous le coup de la loi (et encore heureux). Qui plus est, ce n’est pas elle qui a commencé et le point de départ est une nouvelle fois, les mecs fragiles qui emmerdent les femmes en ligne. Sauf que le tempo de la justice n’est pas celui des réseaux sociaux et de la récupération politique crasseuse. Quand en plus se sont ajoutés à cela des propos autant scandaleux qu’imbéciles tenus par la garde des sceaux, Ségolène Royal ou d’autres, tombés à pieds joints dans le piège du « blasphème », c’est toute l’extrême-droite et ses idiots utiles du « Printemps Républicain » qui se frotte les mains.

C’est aussi Quotidien qui invite la victime sur son plateau. Quel intérêt à part relancer les guéguerres de réseaux sociaux ? Quel intérêt à part cliver, monter les gens les uns contre les autres, tuer toute forme de nuance ? Vous croyez vraiment que Quotidien ou les réseaux identitaires en ont quelque-chose à faire de la santé psychique de Mila ou du fait qu’elle retrouve rapidement un établissement scolaire ? Non, ce qui leur importe, c’est de l’audience.

La seule chose qui devrait importer (protéger une mineure) est bien la dernière qui soit prise en compte par les commentateurs. Sans surprise, ce sont l’Éducation Nationale (avec l’association spécialisée) et la justice (avec les enquêtes) qui font leur boulot. C’est à elles de défendre Mila, pas aux défenseurs auto-proclamés de twitter. Évidement, si ces deux institutions avaient plus de moyens, elles seraient sans doute moins emmerdées par les justiciers de twitter.

Bref, comme le dit une copine : « des chiens de partout »

Pour la retraite à 20 ans

Et si finalement, ce n’était pas du tout du bon côté qu’on cherchait ? Trouver l’équilibre entre comptabilité, justice, en spéculant sur l’évolution de la natalité, du chômage des jeunes et celui des seniors, de l’espérance de vie … On cherche à ajuster un système qui a été conçu à une époque où les âges de la vie étaient très compartimentés, où on entrait dans une boîte à 20 ans pour n’en sortir qu’à la retraite, où la mécanisation et la robotisation étaient balbutiantes.

Les travailleurs et travailleuses cotisent pour celles et ceux qui ne le sont plus. Mais si c’était justement l’occasion de poser la question du travail ?

Et si, enfin, on distinguait emploi et activité ? Un ou une bénévole dans une association peut être plus « utile » à la société qu’une personne qui a un emploi. Pourquoi ne pas entièrement repenser le temps de travail tout au long de la vie ? Permettre de prendre des années sabbatiques, pour se former, pour aller jouer de la musique dans la rue, pour donner du temps à des associations, pour voyager (sans prendre l’avion) et s’ouvrir l’esprit, pour jouer aux cartes avec ses enfants ? Sommes-nous tous condamnés à donner toutes nos années où notre santé est la meilleure, exclusivement à un emploi (même passionnant et utile) ? Et si on pouvait commencer à prendre sa retraite – ou à faire des retraites – dès 20 ans ?

Celles et ceux qui sont aujourd’hui à la retraite donnent du temps et de l’argent. Ce sont tout sauf des poids pour la société. Pourtant, quand on parle de la réforme des retraites, le seul axe de fond reste « comment payer » ? Je ne comprends pas pourquoi on ne parle pas plus du projet de revenu universel en ce moment, alors que c’est la plus belle idée politique depuis des décennies.

Nous produisons et consommons trop. Il est urgent de ralentir. Ça veut dire vivre moins vite et accumuler moins de biens mais plus de vie.  

Celle qui a crié : « le roi est nu ! »

Vous connaissez ce conte d’Andersen, « les habits neufs de l’empereur » . Un roi vaniteux est démarché par des pseudo tisserands qui lui promettent une étoffe d’une finesse et d’une beauté exceptionnelles. Cette étoffe a en plus la particularité de ne pas être visible par les idiots et ceux qui ne sont pas à la hauteur des charges qui leurs sont confiées. Ils arrivent donc devant le roi les bras vides mais en prétendant être chargés de cette étoffe. Le roi évidemment se déclare émerveillé par le tissu qu’il ne voit pas. C’est ainsi qu’il apparaît nu devant sa cour, laquelle à son tour, se déclare tout autant émerveillée par ces habits prodigieux que personne ne voit et que personne n’ose reconnaître ne pas voir.

Un jour, alors que tout le monde se complaît dans le déni, un enfant assiste à la scène et, en toute innocence, hurle l’évidence : « le roi est nu ! », mettant ainsi fin à l’illusion collective. Si les yeux de la foule s’ouvrent, le roi lui, trop fier et nu comme un ver, continue malgré tout sa marche triomphale.

Greta Thunberg (avec plusieurs autres) vient de crier « le roi est nu ! »

Oui, les générations qui précèdent la sienne n’ont jamais été à la hauteur. Elles se sont bercé d’illusion. Elles ont menti à tout le monde et à elles-mêmes en particulier. Elles ont refusé d’ouvrir les yeux sur l’évidente réalité.

« I want you to panic » leur a-t-elle lancé. C’est sûr, pour réfléchir sereinement, la panique n’est pas la bonne solution. Mais entre-nous, si vous vous retrouviez attachés dans un bus lancé à pleine allure en découvrant que le chauffeur est complètement ivre et que ça ne semble gêner personne, vous auriez aussi tendance à paniquer. En tout cas, ça y est, les grands dominants paniquent. Sauf qu’ils ne paniquent pas face aux dérèglements climatiques, face aux rapports scientifiques qui s’empilent. Non, ils paniquent parce que leur duplicité, leur passivité, leur complicité ne peut plus se cacher. Parce que des ado ne répondent plus poliment à leurs promesses creuses et leurs belles paroles.

Et comme en effet, la panique est mauvaise conseillère, ils insultent, sexualisent, moquent, une adolescente qui ne fait que renvoyer vers les alertes de tous ceux et toutes celles qui depuis des années déjà, s’alarment de l’inaction face aux dérèglements climatiques. Ils attaquent l’enfant qui a hurlé cette évidence « le roi est nu ! »

Comme le roi qui continue sa marche, leur violence est pour eux une façon de continuer à mentir pour éviter la réalité, pour éviter d’aborder le vrai sujet : comment changer radicalement et urgemment de système économique pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être. La violence est l’arme des faibles, l’arme de celles et ceux qui ont perdu. Et ils ont perdu. Ils ont perdu face à des lycéens et lycéennes qui ont décidé de sécher les cours. Ce qui était hier une pratique de cancre est devenue l’arme militante ultime.

Ces « ils », ne nous trompons pas, ce ne sont pas que les dirigeants des grandes entreprises et les élus qui pensent d’abord à leur ré-élection (certains parlent de « castes dirigeantes » ). Il serait trop simple d’oublier que ces castes dirigeantes ne le sont que parce que nous leur avons donné le pouvoir. Nous sommes de celles et ceux que ça arrange de ne pas trop regarder comment fonctionne le monde, nous sommes de celles et ceux qui s’accommodent très bien d’un système économique régi par le profit, la compétition, la marchandisation. Ce ne sont pas nos enfants qui travaillent pour fabriquer nos téléphones et nos vêtements. Nous sommes les gagnants. Alors forcément, nous préférons les discours qui nous disent que tout va bien, qu’on va trouver une solution en ne changeant rien. Dans le fond, nous savons bien que c’est faux, nous savons que le roi est nu mais nous préférons ne pas le voir. Face à l’ampleur de la tâche, nous avons depuis des années préféré le confort du déni.

Et ce sont ces ados qui débarquent et qui nous crient « le roi est nu ! »

Non seulement, ils nous mettent face à nos mensonges, nos hypocrisies, mais en plus, ils nous montrent même déjà un bout du nouveau monde. Le voyage en voilier de Greta Thunberg avait déjà provoqué l’hystérie des vieux dominants qui ne veulent pas qu’on remette en cause la société qu’ils ont bâtie, car ce voyage n’était pas si innocent que ça. Elle a montré qu’on pouvait voyager lentement, que c’était désirable. Elle a laissé entrevoir un monde qui retrouve un rythme humain, un monde libéré de la course, de l’avion, du pétrole. Oui, bien sûr, elle a dû s’embarquer sur un voilier de course avec des équipages qui de toute façon avaient prévu de prendre l’avion, oui bien sûr, c’est ultra compliqué aujourd’hui de faire cette traversée. Mais gageons que demain, dans le monde post conversion écologique, la norme sera de voyager en prenant le temps, en utilisant le vent. Greta Thunberg par sa traversée n’a pas seulement dit « je ne veux pas prendre l’avion », elle a donné envie à des milliers, des millions peut-être, d’ado à travers le monde, de construire ce monde nouveau.

Et ce monde se fera forcément contre la cour qui s’obstine toujours à refuser de voir que le roi est nu.

Pour comprendre pourquoi c’est une révolution nécessaire de prendre le bateau, un très chouette fil twitter :

#InviteLePape ou soutiens le pape ?

Le propre du fan (tel que je le suis), c’est que pour se défendre d’être un fan, il relève de temps en temps des défauts mineurs. Par exemple, le pape François a dit qu’il viendrait en France. On parlait de 2015, puis éventuellement peut-être 2016 … Il faut croire qu’il s’était peut-être emballé un peu vite. Le résultat, c’est que, telle une vraie rock star, il a su créer une certaine attente face à laquelle, voilà quelques jours, une initiative est née sur les rézosocio pour « inviter le pape » à venir en France.

Capture du 2015-06-13 16:59:20

L’idée est née avec la rumeur infamante de la bouderie du pape envers la « fille aînée de l’Église ». Si en fait François ne veut plus venir, ce serait pour punir les Français du mariage pour tous (notez que ça ne concerne que la France et pas l’Irlande) et à cause de son ambassadeur catho (mais surtout homo). Vous n’aurez pas manqué de remarquer que ça permet une nouvelle fois de tenter de souffler sur les braises mourantes de la mobilisation #Manifpourtous, avec ce côté doloriste des gentils catho prenant sur leurs épaules les péchés du gouvernement socialiste, telle sainte Rita priant pour les péchés de ses fils et mari. Bref, si le pape ne veut plus venir en France, c’est encore la faute au grand méchant lobby LGBT qui a remplacé les grands méchants Francs-Maçons dans le rôle du croquemitaine sataniste.

Et même si l’on admet que je suis en train de faire un possible procès d’intention, la démarche a malgré tout de quoi irriter. Les visites papales, en fait, ça sert à quoi ? Pourquoi donc ce besoin de demander au pape de couper la file d’attente pour que les catho français soient prioritaires et puissent avoir la chance avant les autres de le filmer via leur smartphone dans une grand-messe alors qu’il sera à même pas 500 mètres ?

Si le pape est argentin, c’est aussi parce que le monde de 2015 n’est pas celui de 1960 ni même de 1990. De même que les Italiens ont eu du mal à supporter que les papes ne soient plus italiens, l’Europe a du mal à supporter d’être mise sur un pied d’égalité avec le reste du monde. La France est un de ses enfants jaloux qui n’accepte pas de ne plus être servi en premier.

N’y a-t-il donc pas plus urgent pour le pape que de faire une visite de gala en France ? Soutenir les communautés sud-américaines investies dans la lutte contre les inégalités et la violence, partir en visites pastorales auprès des Églises africaines … Franchement, si on accepte de ne pas se regarder le nombril, on se rend compte que de demander au pape de venir vite fait nous rendre visite, c’est pas super charitable.

Plutôt que d’écrire au pape pour l’inviter à venir nous voir, je suggère de lui écrire pour lui témoigner de notre soutien dans ses réformes, pour lui dire à quel point les catholiques sont heureux de voir l’Esprit en œuvre au Vatican, pour l’encourager dans sa transformation de la curie, dans son combat pour faire de la banque du Vatican un lieu de transparence au service de l’Église et non aux mains de la mafia, qu’elle soit une mafia de prélats ou une mafia laïque.

(si vous n’avez pas le temps de tout voir, le passage sur la banque du Vatican, c’est à partir de 39mn40)

Les opposants ne manquent pas. Ce pape est sans doute trop radical pour son temps (et c’est moi qui dit ça …) Entre faire venir le pape en France pour se faire plaisir ou le soutenir pour être sûr que son pontificat ne soit pas qu’une heureuse parenthèse, j’ai fait mon choix.

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Sérieusement, vous trouvez qu’il respire l’Esprit Saint le cardinal Burke ?

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Bonus : Ne manquez pas cette vidéo toute fraîche qui vient de sortir.